Des Petits Charlots

Des Petits Charlots Berger de Beauce

Berger de Beauce

le gène merle

le gène merle

C’est suite à une discussion sur les réseaux sociaux, m’invitant à me renseigner sur le merle, que je me suis mise à faire des recherches sur le sujet ; d’abord personnelles, sans aucune intention de les diffuser, mais, ahurie par la quantité de mauvaises informations que l’on trouve sur le sujet, je me suis décidée à écrire cet article, en me disant que s’il ne pouvait qu’éviter à certains de continuer à croire que…, ou à faire des amalgames, alors ce serait déjà une bonne chose…



Le merle est un patron de couleur caractérisé par l’apparition de zones diluées sur la couleur de base, il donnera la robe appelée bleue merle ou rouge merle. Chez le beauceron, le bleu merle est marqué de fauve, le standard du beauceron appelle cette couleur l’arlequin, mais elle n’a rien à voir avec l’arlequin du dogue allemand, généré lui, par le gène « harlequin ».

Le standard du beauceron précise que l’on recherche des chiens dont la quantité de gris et de noir est relativement équilibrée, contrairement au berger australien par exemple où l’on va trouver des individus quasiment tout gris, sans noir. Les animaux vairons sont des arlequins dont le merlé traverse l’œil, ils sont admis au standard, mais restent très rares dans la race…



Alors, vous avez entendu dire, ou lu que…

Le chien sera sourd ou aveugle ?

Les taches blanches viennent du merle ?

Le merle est comme ci ou comme ça, à cause de tel ou tel saut de génération… ?

Le merle cryptique ne transmet plus le merle… ?

Il y a eut un arlequin sur une portée noir et feu… ?



C’est avec quelques explications génétiques que je vais essayer de vous guider vers la vérité…somme toute assez imparfaite, parce que la nature a ses caprices…



Commençons donc tout d’abord par une notion simple, celle de caractères qualitatifs, à opposer aux caractères quantitatifs, bien plus nombreux… les caractères qualitatifs donnent une indication précise, non chiffrable : couleur de robe, port d’oreilles, ils sont souvent déterminés par des gènes majeurs. Les caractères quantitatifs, à l’inverse, sont évolutifs (taille au garrot, longueur du chanfrein), et sont polygéniques, leur sélection est plus compliquée.



Un gène majeur, est un gène, qui, s’il est porté par le chien, va avoir un effet majeur sur son organisme. Ce sont les gènes que l’on peut marquer dans un laboratoire, ceux qui vont pouvoir permettre d’associer les animaux à un nombre restreint de catégories de ce gène,  les allèles.

Par exemple le gène A de coloration est un gène majeur : les différents allèles de ce gène donnent des robes différentes, les différences sont donc visibles à l’œil nu ; mais un gène codant pour une malformation cardiaque peut aussi être un gène majeur : on le trouve si on le cherche en laboratoire, mais ce n’est pas toujours visible sur l’animal.

Le gène merle est aussi un gène majeur, on parle de « mutation merle » parce que le gène n’a un effet que si cette mutation existe, et qu’il n’a qu’un seul effet : celui de diluer la couleur de base sur une partie du pelage.



Deuxième notion : celle d’allèle dominant, et d’allèle récessif : un allèle est presque toujours dominant par rapport à un autre, donc si il y a un dominant, il y a un récessif, c’est mécanique, mais il peut y avoir des intermédiaires, ou des conditions diverses d’expression, eh oui, si c’était si facile…on serait tous pareils !



Pour la mutation merle, on parle de mutation à dominance incomplète : cela veut dire que la présence d’un allèle portant la mutation génère des individus aux caractéristiques intermédiaires par rapport à ceux qui portent la mutation sur les 2 allèles, un peu comme si avec un allèle portant la mutation, il pouvait monter à mi hauteur sur une échelle, alors qu’avec 2 allèles mutés, il peut aller jusqu’en haut.

Mais cette mutation est capricieuse…



La première spécificité du gène merle, c’est qu’il devient semi-létal si la mutation est portée en double  (homozygote porteur), ça veut dire qu’il devient problématique par ses effets sur l’organisme : cécité, surdité, morti-natalité, mortalité.

La deuxième spécificité de cette mutation, c’est que, parfois, des individus naissent avec très peu de poils gris, et ce gris disparaît en grandissant, laissant un chien d’apparence noir et feu, alors qu’il est porteur du merle, on parle alors de merle cryptique, ou merle fantôme. La reproduction non contrôlée de ces individus avec des porteurs du gène merle aboutit à la naissance d’individus homozygotes merles pouvant avoir des problèmes.

Alors bien sûr, quand on veut faire naitre des chiens en bonne santé et qu’on se trouve face à ce problème, ça crée des polémiques, et des questions…

Pourquoi ? Et comment est-ce possible ? C’est ce que je vais tenter d’expliquer par la génétique :



La photo du géranium permet de globaliser le phénomène. En effet, ce géranium est merle, et vous pouvez voir que les fleurs sont toutes différentes, certaines, bien rose clair, d’autres bien fuschia, et tous les patrons intermédiaires…aléatoirement répartis.



Mais revenons-en aux chiens.



C’est Leigh Anne Clark, et son équipe, qui ont, en 2005, trouvé la mutation merle dans le génome du chien, et la plupart des données aujourd’hui publiées à ce sujet se réfèrent aux études menées par cette équipe de chercheurs.

La mutation du gène SILV (pour silver=argent en anglais)  se situe sur le chromosome 10 du chien, et consiste en une insertion d’un rétrotransponson de type SINE (short interspersed element) à la jonction de l’intron 10 et de l’exon 11 du gène SILV.

Cette mutation est composée de 253 paires de bases, et comprend également une région composée d’une répétition de bases d’adénine dont la taille varie d’un individu à un autre, on appelle cette partie une « queue poly-A ».

Pour le décryptage : une séquence SINE est une courte séquence d’ADN, de – de 500 paires de bases capable de se copier et de s’insérer au hasard dans d’autres parties du génome.

La propriété d’une séquence SINE est d’être mobile par sa capacité à se transposer, soit par un phénomène qui s’apparente à un « couper-coller », soit par un « copier-coller ». Dans le cas du merle, c’est un « copier-coller » ; une séquence SINE est composée de 3 parties : tête ; corps ; et queue (de taille variable) qui peut contenir jusqu’à 250 bases d’adénine consécutives.

Cette séquence SINE est pourtant bien capricieuse, et cela explique la variabilité entre individus :

Il a été constaté, concernant le gène merle, que non seulement, la séquence SINE doit être présente, mais qu’en plus, la queue poly-A de cette séquence doit avoir au minimum 90 bases d’adénine consécutives, pour que le phénotype merle soit visible, dans l’absolu, un chien merle peut n’avoir qu’un seul poil gris… le tout, c’est de le voir…

Tous les organismes  de la Terre comportent énormément de rétrotransponsons de type SINE ou LINE, ils sont à l’origine de toutes les mutations que l’on considère polygéniques, c’est-à-dire qui impliquent une grande variabilité entre individus (Portail de la biologie cellulaire, internet), mais sa duplication est imparfaite, cette queue poly-A, est très mal répliquée, (parfois la quantité de bases d’adénine est plus grande, parfois, elle est plus petite) et parfois, la queue poly-A est écourtée à cause d’une mauvaise transcription(site edu.upmc).

Un chien merle transmet à ses descendants la mutation ainsi que le SINE qui s’est fixé dessus, car comme dit précédemment, il se duplique par un copier coller, il n’a pas la possibilité de produire une protéine qui lui permet de se libérer)

Le fonctionnement de ce gène permet aussi d’expliquer le merle cryptique, qui est donc un merle avec trop peu de bases d’adénine dans sa séquence SINE pour exprimer le gène phénotypiquement, voilà donc pourquoi un cryptique peut aussi donner des descendants porteurs du cryptique dans une portée, où certains sont bien tâchés. Même si aujourd’hui il est compliqué de savoir quelle quantité de cryptique il y a dans la population, la bonne connaissance du fonctionnement de ce gène, doit  inciter chaque éleveur à diffuser ces renseignements auprès de ses clients, pour éviter le croisement de merles, et la sortie de chiots double merles qui ont des problèmes, mais aussi l’injection de cryptiques dans la population, qui rendrait la situation très compliquée.



Je dois dire aussi qu’il me semble que l’on attribue trop souvent au merle des vices et des vertus qui ne lui appartiennent pas : la mutation merle détermine seulement l’apparition de parties diluées sur le patron de base, en partie plus ou moins grande.

Il n’est en rien responsable de la couleur grise plus ou moins foncée de ces parties diluées.

Pas plus qu’il n’est responsable de cette nouvelle mutation dont on commence à entendre parler depuis quelques années, et qui dilue à l’extrême une partie du gris pour le laisser apparaitre blanc pur.

Il n’est pas responsable, non plus, de la tache blanche sur le poitrail.

Et il ne l’est pas, non plus, de la bonne ou mauvaise répartition des taches noires sur la base grise.

Par contre, il est responsable de la taille totale de ces taches par rapport au gris (75% de noir, 50% de noir, 25 % de noir).

Alors laissons à ce gène seulement son fardeau, il est bien assez grand comme ça…

le gène merle